Les conventions et accords collectifs de travail sont des textes négociés et conclus entre employeurs et organisations syndicales qui ont vocation à réguler les relations de travail en entreprise. Ces conventions et accords peuvent être conclus à différents échelons, deux en particulier : celui de la branche professionnelle, qui regroupe toutes les entreprises d’un même secteur d’activité, et celui de l’entreprise même.
Une difficulté survient quant à savoir lequel, de l’accord d’entreprise ou de l’accord de branche, doit être appliqué lorsqu’ils traitent tous deux, en des termes différents, d’une même thématique. Longtemps, le droit du travail prévoyait que s’appliquait l’accord le plus favorable aux salariés dans l’entreprise en vertu d’un principe de faveur. Il en résultait que l’accord d’entreprise ne pouvait s’appliquer qu’à condition d’améliorer le contenu de la convention de branche, sinon cette convention s’appliquait au détriment de l’accord d’entreprise. Ces deux types d’accords étaient alors en situation de concours, car chacun pouvait tour à tour régir la relation de travail. Mais depuis la réforme de 2008, approfondie par celles de 2016 et 2017, l’accord d’entreprise prévaut dans la plupart des situations sur la convention de branche, peu importe son caractère plus ou moins favorable.
Cette prévalence de l’accord d’entreprise tend à l’autonomiser vis-à-vis de la convention de branche, et à permettre aux acteurs de l’entreprise de déterminer des règles applicables aux contrats de travail différentes de celles édictées au niveau de la branche.
Toutefois, la prévalence n’a pas fait disparaître les situations de concours, de sorte que les régimes juridiques du concours et de la prévalence coexistent. La thèse propose de clarifier les domaines respectifs des règles de concours et de prévalence, tout en étudiant leurs interactions possibles.
Les propositions de la thèse questionnent la pertinence et la possibilité de décider, en amont, de la prévalence de l’accord d’entreprise sur la convention de branche. Elle met en lumière la capacité d’utiliser la technique contractuelle pour offrir une plus grande variété de choix aux négociateurs des accords d’entreprise.
En ce sens, la thèse appréhende la prévalence des accords d’entreprise comme un pouvoir, dont les parties à l’accord collectif peuvent user ou non, et dont ils peuvent éventuellement modifier les effets. Cette capacité de modulation existe aussi en l’absence de règle de prévalence, c’est-à-dire en présence d’un concours entre accords collectifs.
La thèse met aussi en avant les conséquences de la négociation collective à différents niveaux et de l’absence de répartition des compétences entre la branche et l’entreprise. Par exemple, en soulignant que la possibilité de conclure des accords sur les mêmes questions à différents échelons de négociation collective, y compris en l’absence de toute règle de prévalence, peut empêcher l’instauration de mécanismes de solidarité inter-entreprises, notamment en matière de protection sociale complémentaire.
Arnaud LUCCHINI est titulaire d’un doctorat en droit privé et sciences criminelles et de la qualification aux fonctions de maître de conférences. Il occupe les fonctions de chercheur associé au sein de l’École de droit social de Montpellier ainsi que de chargé d’enseignement.