En seulement quelques années, les plateformes de mise en relation ont fait évoluer les modes de consommation et de production. En ligne ou via une application, offreur et demandeur d’un service ou d’un bien peuvent se rencontrer sur un espace numérique, sans contrainte de temps ou de distance. Sur ce marché du travail digitalisé, le « travailleur de plateforme » a de multiples visages : celui du livreur à vélo, du développeur informatique, du professeur particulier, du créateur d’accessoires ou de vêtements, il assure de petits travaux de bricolage, effectue des tâches ménagères, transporte des personnes, loue son appartement ou sa voiture… Amateur ou qualifié, travailleur d’un jour ou régulier, fidèle à une plateforme ou passant de l’une à l’autre, il exerce en tant que particulier, indépendant, même si, parfois, son autonomie est limitée et les conditions d’exercice de son activité peu éloignées de celles d’un salarié. Pour lui, la frontière entre travail et hors-travail est souvent difficile à définir. C’est par exemple le cas lorsque pour « décrocher » une mission il doit consacrer du temps à constituer son profil, proposer un projet ou bien rester en veille quasi continue afin de saisir la proposition intéressante avant un autre travailleur.
La multiplicité de visages du travailleur de plateforme n’a d’égale que celle des plateformes elles-mêmes. Leurs modèles économiques et organisationnels donnent à voir des formes diverses aux contours labiles. Si certaines reposent sur un modèle d’affaires purement marchand et concurrentiel, d’autres se fondent sur une approche coopérative et se positionnent comme des alternatives aux plateformes dominantes sur le marché. Par leurs modes de fonctionnement, parfois innovants, les plateformes génèrent de nouvelles opportunités de travail. Mais, dans le même temps, elles peuvent soulever des problématiques d’accès à l’emploi et de conditions de travail. Les plateformes qui reposent sur une concurrence ouverte entre offreurs et demandeurs assurent-elles vraiment un accès non discriminant des travailleurs au marché ? Les logiques d’ajustement en temps réel à la demande, de disponibilité et d’évaluation de certaines plateformes ont-elles des conséquences sur la santé physique et psychique des travailleurs ?
Par ailleurs, les nouveaux modes de mobilisation de la main-d’œuvre développés par les plateformes ont diversifié les statuts d’emploi, recomposant les besoins et les droits à la protection sociale. Sous couvert d’autonomie des travailleurs, les plateformes n’opèrent-elles pas un transfert de risques vers eux ? Quelle part de ces risques la solidarité nationale doit-elle prendre en charge et quelle part les plateformes doivent-elles endosser ? Ces questions interrogent plus globalement la soutenabilité de cette économie plateformisée : quelles conditions pour assurer sa viabilité et son développement économique tout en offrant une protection aux travailleurs ?
Ce colloque vise à présenter et discuter ces enjeux en s’appuyant sur les travaux et analyses d’experts et de chercheurs de disciplines diverses. Il prolonge les recherches menées dans le cadre d’un appel à projets sur l’économie collaborative, coordonné par les missions recherche de la Dares et de la Drees.