Présentation : Sans doute l’Union européenne est-elle à un tournant de son histoire. Au-delà même du contexte tragique lié au retour de la guerre à ses frontières, la construction européenne fait l’objet de critiques récurrentes qui n’ont fait que s’amplifier au cours des deux dernières décennies. Les uns lui imputent un déni de démocratie, sur fond d’asservissement à l’idéologie néolibérale, d’autres lui reprochent une incapacité à convaincre, à porter une ambition collective, c’est-à-dire une promesse, à travers de nouveaux récits. L’Europe serait ainsi face à une alternative : changer ou périr. Et face à un défi : se doter d’un nouveau telos. Refaire de l’Europe sociale – que beaucoup perçoivent comme un serpent de mer – une priorité, au prix le cas échéant de sa réinvention, constitue l’une des voies possibles. C’est à ce titre que la figure du dialogue social européen fait l’objet d’un regain d’intérêt, au moins dans les discours. Faut-il y voir un mirage, l’un des marqueurs d’une identité et/ou d’un modèle qui se cherche ? Cette figure incarne-t-elle aujourd’hui une promesse d’avenir pour l’Europe ?
Un tel questionnement invite à conjuguer un regard rétrospectif, sur ce qu’a été jusqu’à présent le dialogue social européen, avec un regard prospectif, en envisageant ce qu’il pourrait être – pour peu qu’on lui prête un devenir. D’abord, de quoi le dialogue social européen est-il le nom ? Là réside le point de départ de toute réflexion sur le sujet. Du « moment Delors » de la commission européenne à aujourd’hui, comment cette idée s’est-elle déployée ? Quelles traductions a-t-elle connues et qu’englobe-t-elle, en définitive ? Quelle appréciation porter sur ces concrétisations, au demeurant hétérogènes, résultant du rôle reconnu aux partenaires sociaux en matière de politique sociale, du dialogue social dit sectoriel ou des modes de participation des travailleurs au sein des entreprises et groupes de dimension communautaire ? Ces éclairages s’avèrent tout à fait indispensables pour appréhender la nécessité comme la possibilité même d’un renouveau du dialogue social européen ou de son renforcement – ce à quoi invitent, notamment, certains syndicats européens et le rapport de Madame Andrea Nahles publié il y a un peu plus d’un an (Report on strengthening EU social dialogue, European commission, fev. 2021). Quelles sont les dynamiques à l’œuvre ? A quels enjeux et défis le dialogue social européen est-il confronté ? Y a-t-il de bonnes raisons de croire au dialogue social européen ?
Voilà qui appelle une réflexion approfondie et lucide. Telle est l’ambition scientifique de cette journée, organisée au moment où la France s’engage dans la dernière phase de sa présidence du conseil de l’Union européenne, et dont le modus operandi consistera à croiser, en misant avant tout sur la discussion, des regards et points de vue experts.
A travers la question de l’avenir du dialogue social européen, c’est aussi celle du modèle social que l’Union européenne institue qui se trouve posée.
Avec les interventions de Élodie Béthoux, Gabriele Bischoff, Francesca Breuil, Anne-Catherine Cudennec, Carole Grandjean, Andrea Iossa, Jean Lapeyre, Jean-Philippe Lhernould, Antoine Lyon-Caen, Tonia Nowitz, Étienne Pataut, Achim Seifert, Jörg Tagger et Lou Thomas
Avec le soutien de la DREETS Grand Est et de la mention de Master « Droit social » de la Faculté de Droit, Sciences économiques et Gestion de Nancy